“Je ne m’autorise pas à ne pas être confiante”
Sophie Baudet est avocate en droit du travail au Barreau de Paris depuis 10 ans.
Elle a créé son cabinet Baudet Avocats en 2017 dont l’activité est exclusivement dédiée au droit du travail, pour conseiller et défendre tant les dirigeants d’entreprise que les salariés victimes de harcèlement moral ou de licenciements abusifs.
Quel a été l’impact du confinement sur votre état d’esprit ?
C’est une bonne question. Je dirais dans un premier temps que j’ai été très désemparée. Il y avait beaucoup de choses à revoir en terme d’organisation et de coordination entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle. J’ai même ressenti de l’inquiétude. Toutefois et rapidement, j’ai choisi d’adopter des pensées qui me permettent de ressentir une motivation, un élan pour m’adapter à la situation. Je ne voulais pas du tout être abattue par le confinement surtout que la situation ne pouvait pas être modifiée. Il fallait bien s’adapter à cette crise. J’ai ainsi voulu continuer mon activité comme si de rien n’était. D’ailleurs, je n’ai pas cessé de travailler. En pratique, cela a pu être difficile à certains moments car je devais gérer mes deux filles en bas âge. En tout cas, j’étais dans un état d’esprit combatif.
On dit que la confiance passe par une meilleure connaissance de soi. Dans quelle mesure cette période exceptionnelle vous a-t-elle permis de mieux vous connaître ?
Je dirais que c’est une continuité. Je m’intéresse depuis plusieurs années au développement personnel. Je trouve que c’est très enrichissant et je pense que tout le monde, à un moment donné, devrait passer par cette démarche d’une meilleure connaissance de soi. Pour ma part, j’écoute notamment le podcast “Change ma vie, outils pour l’esprit” de Clotilde Dusoulier qui donne pleins d’outils pour mieux explorer sa vie intérieure et agir en pleine conscience. Mon objectif de vie de manière générale, confinement ou pas confinement, est d’être actrice de ma vie. Cette période a été la continuité de tout ce travail que j’ai déjà entrepris depuis longtemps sur le plan du développement personnel.
Mais ce confinement m’a surtout appris, que même avec des vraies contraintes avec la garde de mes enfants à 100%, j’ai réussi à travailler, à répondre à mes clients et à continuer à communiquer. Même si cela paraissait être une montagne, cela a été quand même possible.
Comment cela s’est-il passé avec votre collaborateur pendant cette période ?
Nous avons beaucoup échangé par téléphone. Le télétravail n’était pas quelque chose de nouveau. Le cabinet est organisé pour télétravailler. Nous avons des outils digitalisés et tous nos dossiers sont en ligne. Donc cela n’a pas été une difficulté ni même un frein de ne pas être ensemble. Cependant, apprendre à gérer les priorités, à traiter l’essentiel et le nécessaire en moins de temps, a été une organisation sur laquelle j’ai beaucoup travaillée. Mais effectivement le fait d’avoir un collaborateur m’a beaucoup aidé et il a été très impliqué pendant toute cette période en travaillant pour assurer une continuité de service.
De quoi avez-vous besoin pour avoir confiance en vos collaborateurs?
Avoir confiance envers les personnes avec qui on travaille est pour moi un postulat. Mon collaborateur avait déjà toute ma confiance avant le confinement et ce grâce à la qualité de son travail et son implication.
De manière plus générale, pour moi la confiance dans les relations professionnelles s’acquiert par la qualité du travail et par l’attitude positive et honnête. Je sais que quand je demande à mon collaborateur de faire un travail, une recherche ou telle démarche, il va le faire.
Mais pour faire confiance, il est important que la personne soit honnête: pouvoir compter sur la personne quand on lui demande de faire quelque chose mais également par la capacité à reconnaître quand on ne sait pas tout comme ses erreurs. C’est une qualité importante dans la relation professionnelle.
Ainsi la confiance ne s’acquiert pas uniquement par la qualité du travail mais également grâce aux qualités humaines. J’ai déjà eu dans le passé d’autres collaborateurs et stagiaires et c’est primordial pour moi d’être humble, de savoir écouter et dire “j’ai compris”, “je n’ai pas compris”, “est-ce qu’on peut en parler ?”.
Cette période vous a-t-elle amené à vous projeter différemment dans votre activité?
Je ne pense pas à avoir quelque chose à changer dans ma manière de travailler. Sur l’activité en tant que tel, mon cabinet est dédié exclusivement au droit du travail. Nous avons une activité de conseil et de contentieux pour les employeurs mais également pour la défense des cadres pour lesquels nous faisons beaucoup de négociations de départ. La bonne nouvelle est que nous avons continué à avoir du travail pendant la crise.
Si la crise a donné naissance à énormément de nouveautés législatives et réglementaires, elle va sans doute également engendrer des nouveaux cas, de nouveaux dossiers. J’ai des clients entreprises qui ont des difficultés économiques et ont besoin d’être accompagnées mais également des cadres qui ont subi des ruptures abusives ou une pression très importante, pouvant entraîner des burn out ou à l’inverse des bore out. J’ai pu constater que le télétravail imposé rendait les frontières encores plus ténues entre vie professionnelle et vie personnelle, ce qui augmente fortement les risques psycho-sociaux. Je fais déjà le constat d’un certain nombre de dossiers nouveaux de harcèlement moral liés à cette période de confinement.
Pourrait-on dire que vous avez confiance en l’avenir de votre activité ?
Bien sûr, et je ne m’autorise pas à ne pas être confiante. Ce n’est pas une pensée qui est traductible à ce stade. Pour moi, la confiance veut dire également garder cet élan en permanence pour proposer des nouvelles choses, améliorer notre visibilité et gagner des nouveaux clients en proposant des services avec notre communication qui permet de rendre le droit plus accessible et transparent grâce à l’infographie. J’ai pu animer des webinars avec des partenaires afin de de communiquer sur l’impact des nombreux et nouveaux textes qui ont été adoptés dernièrement.
C’est avec cet élan et cet état d’esprit là que j’aborde toutes mes journées. Je ne dis pas qu’il y a des journées où on peut avoir des imprévus ou une motivation qui n’est pas au top niveau, mais j’essaie toujours de me concentrer sur mes objectifs et de rester alignée sur cet élan et la confiance de manière générale.
Ces derniers mois vous ont-ils amené à adapter vos rapports avec vos clients afin de maintenir leur confiance ?
Pendant le confinement, j’ai passé beaucoup de temps avec mes clients au téléphone tout simplement pour échanger de manière informelle. Cela m’a permis de faire mieux connaissance sur les situations personnelles de chacun, tout en discutant bien sûr de leur activité et business, pour mieux comprendre leurs attentes et ainsi mieux les accompagner et leur proposer des solutions à d’éventuelles difficultés.
Ce qui est intéressant est que grâce à cette période de confinement et l’arrêt total de l’activité judiciaire un certain nombre de mes dossiers contentieux ont été négociés et ce avec des échanges très agréables et bienveillants avec les confrères, bien que nous soyons parties adverses. Chaque conversation commençait toujours par “Tout d’abord, comment allez-vous? Est ce que vous êtes impacté dans votre activité? ”.
Au final, les clients sont satisfaits quand on négocie leurs dossiers. Les entreprises n’aiment pas garder des contentieux pendant des années et finalement la transaction a un rôle libérateur pour les deux parties: salarié et employeur. A mon sens, c’est un des rôles qui prend de plus en plus d’importance pour un avocat en droit du travail. Je considère que c’est même du coaching juridique et psychologique que ce soit côté employeur comme salarié.
Quel conseil donneriez-vous à vos confrères et consoeurs pour booster leur confiance en eux, leur activité et tout simplement en l’avenir?
En effet, beaucoup de confrères ont subi durement la crise et vont continuer à la subir, notamment ceux qui avaient une forte activité judiciaire.
Je pense qu’il faut en permanence se réinventer pour pouvoir proposer des services qui répondent aux besoins des clients. Si les choses changent, il est vrai que la profession souffre encore d’une mauvaise image auprès de la population. Pour retrouver une confiance qui pourrait être perdue, il est important de trouver des ressources. J’inviterais mes confrères à se poser des questions sur ce qu’ils peuvent proposer comme services aux personnes qui sont dans leur spécialité et plus s’approprier Internet, les réseaux sociaux. Beaucoup de cabinets aujourd’hui ne communiquent pas vraiment et n’ont parfois pas de site Internet, cela me semble complètement fou en 2020! Aujourd’hui, je pense qu’avoir une plaque en laiton doré sur un immeuble haussmannien n’est plus très utile. Beaucoup de choses se passent sans que nous rencontrions physiquement nos clients.
Par ailleurs, pour retrouver confiance, je n’hésiterais pas à me former sur un domaine annexe ou complémentaire à mon activité principale qui pourrait correspondre peut-être à un besoin plus actuel. Par exemple, pour ma part je m’intéresse à la médiation. Je me dis que c’est sûrement une activité d’avenir, surtout pendant une période de crise des juridictions sociales avec des délais anormalement longs afin de pouvoir trouver une alternative aux contentieux.
Car au final, retrouver confiance veut dire aussi dire gagner de nouveaux dossiers, que les clients aient confiance en vous pour faire appel à vous et ainsi développer notre business. Cela aide à reprendre confiance. Et qui dit confiance, dit sérénité!
Merci Sophie !
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