Savoir ce qui relève du choix et ce qui n’en relève pas est un exercice bien plus difficile que l’on ne l’imagine. En réfléchissant sur ce thème du choix, nous avons abordé avec vous « comment faire un choix », en fonction de notre individualité, de notre personnalité. Nous nous sommes également interrogés sur ce qui nous empêche de faire des choix conscients et éclairés, à travers les biais cognitifs.
Mais en approfondissant ensemble le sujet, nous nous sommes faits la réflexion qu’en amont de l’exercice du choix, il faut déterminer le domaine du choix. Sur quoi puis-je exercer mon libre-arbitre ? ma liberté ? Qu’est ce qui relève de mon champ d’action, de mon pouvoir, et à l’inverse, qu’est ce qui n’en dépend pas, qui est indépendant de moi ?
Marc-Aurèle nous rappelle qu’il faut distinguer deux domaines :
- celui où l’homme a un pouvoir d’action sur sa vie, où son action est en prise avec le réel, où elle lui permet d’influencer et de modifier le présent. Ce champ d’action laisse sa place au libre-arbitre, à l’exercice de sa liberté individuelle (voire collective), à la satisfaction de se sentir acteur. Cependant, va de paire avec cette liberté sa contrepartie, son poids : la responsabilité de ses actions et des choix que l’on réalise. Poids qui n’est pas à négliger dans nos sociétés contemporaines.
- en creux, s’inscrit le domaine où l’homme n’a plus le pouvoir, où les évènements ne dépendent pas ou plus de lui, où il n’a qu’un seul « choix », une seule option : le lâcher-prise, l’acceptation. La maladie, le deuil, les forces de la nature, le regard de l’autre, etc. Tout cela ne dépend pas de nous, mais de l’autre, de notre société ou de la vie en général.
Ces deux champs nécessitent de mobiliser des comportements, des aptitudes émotionnelles différentes chez l’individu : d’une part le courage, oser, aller de l’avant, de prendre ses responsabilité dans l’action, et nous ferons ici le lien avec notre précédent Happy Monday dédié à la confiance, car il faut de la confiance en soi, dans les autres et dans la vie, pour oser être courageux ; la sanction est bien établie : la responsabilité de ses actes. Elle se traduit bien sur en termes juridiques, avec tout le champ de la responsabilité civile et pénale. Mais elle se traduit également en termes de regard de notre société, de pression sur le fait de devoir « faire des choses », de « réaliser ».
D’autre part, relève du second champ d’action la capacité émotionnelle à « supporter » comme le mentionne Marc-Aurèle, la force de l’acceptation, la capacité à accepter, à reconnaître ses propres limites. La contrepartie est beaucoup plus subtile. Si vous arrivez à lâcher prise, vous vous sentirez en harmonie avec le monde, avec les autres et bien sur avec vous. En revanche, la sanction de l’absence de lâcher-prise sera la frustration, la perte de confiance en soi, et la dépense d’énergie inutile. Tout comme lutter contre la marée ou la tempête.
Souvent, les avocats qui viennent nous voir souhaitent avoir plus de contrôle sur leur vie, sur leur avenir professionnel, sur leur construction de vie en général. Nous leur donnons bien sur des outils pour pouvoir augmenter le pouvoir sur leur vie, mais nous sommes aussi là pour leur remémorer qu’il restera toujours une partie d’imprévisibilité dans la vie, d’incertitude, d’absence de contrôle. Assurément, le coronavirus nous l’aura rappelé !
Tout l’enjeu, comme nous le dit Marc-Aurèle, et là où doit se concentrer le travail de l’individu, est de prendre le recul nécessaire pour savoir identifier dans chaque situation ce qui dépend de lui, et ce qui ne dépend pas de lui ; prendre le recul, mais aussi savoir s’arrêter, savoir contempler et identifier ce qui se joue. Comme dans une pièce de théâtre où l’on regarde les personnages. Savoir se regarder en se demandant quel personnage nous voulons jouer, quelles émotions nous voulons générer chez nous. Et là, dans ce creux si subtil la sagesse apparaîtra.