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L’heure est grave. Les cabinets d’avocats sont au creux de la vague et, alors que la tempête bat son plein, leurs meilleurs éléments s’en vont. Qui pourrait les en blâmer ? Quitte à travailler 16h par jour, ils préfèrent le faire en montant leur start-up juridique plutôt que sous les ordres d’un associé qui n’a jamais été formé au management.

Il n’y a pas de cause unique. C’est tout un ensemble d’éléments qui vient soutenir et favoriser cette fuite des talents. Mais une chose est sûre : si les cabinets d’avocats veulent les retenir, leurs associés et managers vont devoir apprendre à être plus « sexy ». C’est comme dans un couple : dès lors que l’un des deux se dit qu’il n’a plus d’efforts à faire, c’est le début de la fin.

Revenons à nos talents. Qu’est-ce qui peut leur donner envie de rester ? Si vous posez la question autour de vous, vous aurez systématiquement deux types de réponses : l’argent et le statut (la promotion). Spoiler alert : CE SONT DES FAUX POSITIFS.

Je ne dis pas qu’une rétrocession généreuse ne compte pas ou que la perspective d’être associé ne pèse pas dans la balance. Mais cela fait plus de 70 ans que l’on sait que la motivation ne vient pas de facteurs extrinsèques, mais intrinsèques. Si l’on reprend l’exemple du couple, ce n’est pas en couvrant l’autre de cadeaux que vous le persuadez de rester. Ou alors ça ne dure qu’un temps, et vous vous fâchez au passage avec votre banquier…

Pour motiver et surtout impliquer les éléments les plus talentueux de son cabinet, le cabinet sexy fera en sorte de créer les conditions de leur épanouissement. Il dispose de trois outils principaux pour y arriver : d’abord, il tentera de casser la routine en les sollicitant régulièrement pour des tâches qui sortent de leur cadre habituel de travail ; ensuite, il stimulera leur créativité en dépassant les frontières hiérarchiques et les étiquettes ; et enfin, il construira une relation de confiance mutuelle en leur offrant un maximum d’autonomie.

Le cabinet sexy fait des surprises

Il ne s’agit pas d’offrir des fleurs, mais des occasions de sortir du taylorisme moderne dans lequel il est si facile de s’empêtrer. Le cabinet sexy n’a pas peur de solliciter ses collaborateurs sur des problématiques différentes de celles qu’ils ont l’habitude de traiter. Exemple tiré du monde de l’entreprise : Atlassian est une entreprise australienne de logiciels. Et ils font quelque chose d’absolument génial. Quelques fois dans l’année, ils disent à leurs ingénieurs : « Partez les prochaines 24 heures et travaillez sur ce que vous voulez, tant que ce n’est pas votre tâche habituelle ». Les ingénieurs utilisent ce temps pour pondre un bout de code, ou trouver une astuce élégante. Cette journée de travail inhabituelle a permis à Atlassian de trouver des idées brillantes de correction de logiciels que personne n’aurait eu autrement. Comment pourriez-vous mettre cela en place dans votre cabinet ? On imagine tout de suite les freins : les avocats sont spécialisés, il faut qu’ils connaissent le dossier et la matière avant de travailler à de nouvelles solutions ou stratégies. Et pourtant, que se passerait-il si vous essayiez de les impliquer sur des sujets pour lesquels ils auraient un œil neuf ? Faite l’essai, et au-delà du résultat sur le dossier en question, demandez-leur ce qu’ils ont pensé de cette expérience et s’ils aimeraient qu’elle soit renouvelée. Vous risquez d’être surpris.

Le cabinet sexy voit au-delà des apparences

Dans le merveilleux film de Gus Van Sant « Will Hunting », l’énigme de mathématiques, lancée comme un défi aux brillants élèves du M.I.T., est résolue par Will, qui gagne sa vie en balayant les couloirs de l’institution. L’habit ne fait pas le moine. Le cabinet sexy a compris cela, il sait que chacun possède des talents inexploités. Alors on y organise de temps en temps un atelier créatif transversal où tout le cabinet est invité à participer (y compris le personnel administratif). Tout le monde planche sur une question qui concerne le cabinet, son positionnement, ses enjeux du moment. Ce qui compte, c’est que chacun ait la possibilité de s’exprimer, dans un cadre sécurisé et constructif.

 

Chez Disney par exemple, on organise régulièrement des réunions où n’importe quel employé peut proposer une idée. Il la présente et si elle est acceptée, elle est immédiatement intégrée au travail du Studio. Pour info, c’est lors de ces réunions qu’a été proposée l’idée du film « La Petite Sirène » (211 millions de dollars de recettes) et aussi celle du film « Pocahontas » (346 millions de dollars de recettes). Ça aurait quand même été dommage de passer à côté vous ne trouvez pas ?

 

Le cabinet sexy inspire confiance

Enfin, dans un cabinet sexy, on peut avoir confiance en son n+1. Le truc avec la confiance, c’est que pour l’inspirer, il faut d’abord la donner. En d’autres termes, la confiance ne se demande pas, elle se mérite. Vous feriez confiance vous à un associé qui est constamment sur votre dos, à contrôler vos moindres faits et gestes ? C’est comme en amour : le conjoint ultra suspicieux n’est pas vraiment attirant… Alors pour éviter de se tirer une balle dans le pied, le cabinet sexy laissera à ses collaborateurs un maximum d’autonomie. En Amérique du nord deux consultants ont créé le ROWE (Results Only Work Environment) : environnement de travail axé uniquement sur les résultats. Quelques dizaines d’entreprises américaines ont déjà adopté ce système, et on le voit apparaître en Europe depuis quelques mois. Dans un ROWE, les employés n’ont pas d’horaires. Ils viennent quand ils veulent. Ils ne doivent pas être au bureau à des heures précises, ou même pas du tout. Ils doivent juste faire leur boulot. Comment ils le font, quand ils le font, où ils le font dépend entièrement d’eux. Les réunions sont optionnelles. Tamara Erickson, dans un article pour la prestigieuse Harvard Business Review, note que les entreprises qui ont adopté ce mode de fonctionnement voient leur productivité augmenter en moyenne de 35%, et le nombre de départs volontaires chuter instantanément. Pour les cabinets d’avocats, cela veut dire accepter l’idée du télétravail, et ne pas confondre durée avec efficacité. Certes, cela peut paraître compliqué pour une profession qui facture au temps passé, mais ce modèle est en train d’être transformé par les cabinets les plus innovants. Et si votre cabinet était parmi ceux-là ?

Conclusion

Il y a fort à parier que les cabinets d’avocats du 21e siècle finiront par adopter un style de management plus soucieux des aspirations et de l’épanouissement de leurs collaborateurs. Tous ne le feront pas au même rythme et les plus lents continueront de dire au revoir à leurs meilleurs éléments. Une enquête de la Commission Qualité de Vie du Barreau de Paris en 2015 a révélé que pour améliorer la qualité de vie des avocats l’action prioritaire serait de former les associés des cabinets au management. Le problème, c’est que ce genre de formations sont chères et souvent difficile à négocier (narcissiquement parlant). En revanche ces trois outils sont faciles à mettre en œuvre, indolores pour les associés, ultra riches pour les collaborateurs et, cerise sur le gâteau, ils se révèle être un moyen idéal pour développer la clientèle car ils véhiculent une image moderne et innovante tout en renforçant dans le même temps la cohésion de l’équipe. En tous cas c’est tout le mal qu’on vous souhaite !