Beaucoup d’encre a coulé depuis la loi Hamon. Avec l’autorisation du « démarchage » les avocats ont maintenant des « prospects », qu’ils ont le droit de solliciter individuellement pour leur proposer leurs services.
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Naturellement, dans les premiers mois qui ont suivi l’entrée en vigueur de cette loi, certains s’attendaient à ce que tous les avocats se dotent d’outils de communication et de marketing pour conquérir de nouveaux clients et sortir leur épingle du jeu dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Et par conséquent, de nombreux acteurs, cabinet de conseils en communication et en marketing, gourous du développement commercial, se sont engouffrés dans la brèche. Mais en face, il y avait ceux, avocats, qui accueillent un peu moins favorablement cette (r)évolution culturelle en brandissant leur déontologie comme rempart contre les dérives commerciales de cette pratique, craignant que les professionnels du droit soient tentés d’imiter leurs homologues américains en transformant les salles d’attente des hôpitaux en salles des pas perdus.
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Comment interpréter cette opposition, et surtout quel équilibre peut-on trouver entre déontologie et modernité ? Ces questions animent les avocats, à propos de communication et de marketing avec la loi Hamon, mais aussi, et surtout, sur l’ADN de la profession avec la très controversée loi Macron et les heures de débats qu’elle suscite. Souvenez-vous, à l’Université d’Hiver du Barreau de Paris en décembre 2014, Emmanuel Macron avait lancé « Je veux que l’esprit de conquête anime les professions du droit »…
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Le 5 mars 2015 une conférence se tiendra à la Maison du Barreau sur le thème « Déontologie / Esprit d’entreprise, faut-il choisir ? ».
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Il y a fort à parier que les échanges seront passionnés, car le sujet inquiète autant qu’il fascine, comme toujours lorsqu’il s’agit de l’évolution de tout une profession, de son appréhension par le droit, et par ses acteurs.
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Il y a toutefois une donnée essentielle qui semble avoir été oubliée, une sorte de vérité en forme de sagesse populaire : c’est souvent le cordonnier le plus mal chaussé… et les avocats n’y font pas exception.
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Dans cet article, nous allons livrer un début d’analyse des raisons pour lesquelles, entre autres, les avocats ont du mal à se servir des outils de marketing et de communication que leur a offerts la loi Hamon. Et nous espérons que cela pourra éclairer d’une lumière différente, plus apaisée, plus douce, l’éternelle opposition entre tradition et modernité au sujet de la profession d’avocat.
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L’avocat cordonnier
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À y regarder de plus près, l’avocat est étymologiquement celui qui « parle pour ». Son métier, c’est de défendre les intérêts de quelqu’un d’autre que lui. L’avocat développe des trésors de rhétorique pour le compte d’un autre, ou d’une cause qu’il défend. Mais lorsqu’il s’agit de parler pour lui, alors subitement les mots lui manquent, il devient maladroit, il perd de son charisme et redescend de sa posture d’orateur.
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Bien sûr, ce n’est pas le cas de tous les avocats. Certaines structures, en raison de leur taille et/ou de leur mentalité (notamment anglo-saxonne, mais pas seulement) ont déjà intégré l’idée de se vendre soi-même dans leur pratique depuis des années. Ils ont des sites Internet magnifiques, avec effet parallax en prime, et connaissent la réponse à cette question : « à partir de quand peut-on être sûr qu’un entrepreneur vous vend ses services ou ses produits ? » (pour info, la réponse était : « dès lors que ses lèvres bougent »). Mais on parle ici de quelques dizaines de cabinets face aux presque 60.000 avocats qui exercent sur le sol français.
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Alors pour les besoins de l’exercice, partons du principe que les avocats ne savent/veulent pas se vendre, et cherchons à comprendre ce qui pourrait en être la cause.
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L’explication inconsciente
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Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi on choisit d’épouser cette profession ? Lorsque ce n’est pas pour faire plaisir à ses parents, c’est souvent parce qu’on veut se mettre au service des autres, parler pour un autre, défendre ses intérêts, le représenter, le conseiller… Souvent, ce désir résulte précisément d’une injonction serinée pendant l’enfance : « fais plaisir ».
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« Sois gentil, fais tes devoirs », « Il faut faire plaisir à tout le monde », « Montre comme tu es serviable »… À force d’entendre cette injonction, l’enfant s’est convaincu qu’il devait faire plaisir à ses parents s’il voulait obtenir en retour l’affection dont il avait besoin. C’est ce qu’on appelle un « driver ».
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Le bon côté des choses, c’est qu’il a pu développer alors des compétences indispensables à l’exercice de son (futur) métier : l’empathie, le souci de l’autre, l’écoute et l’acceptation. Mais ce driver aura également des effets pervers et l’enfant se dira peut-être « les autres valent plus ou mieux que moi, leurs besoins sont plus importants que les miens ». Plus tard, il continuera de minimiser sa propre valeur pour pouvoir se mettre au service des autres. Et lorsqu’on lui demandera de parler de lui, de ses qualités, de son talent, il aura bien souvent l’impression désagréable de passer pour un imposteur, et il préfèrera ne pas le faire, même si un autre que lui se propose d’endosser cette responsabilité.
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Tout ceci se joue à un niveau inconscient, avec plus ou moins de force. Certains avocats ont dépassé cette problématique depuis longtemps, d’autres ne l’ont même jamais connue. Mais pour tout ceux dont l’estime de soi a été amoindrie par le driver « fais plaisir », le fait de se vendre devient une tâche incommensurable. On est maladroit, anxieux, et contre productif, parce qu’on communique à son interlocuteur toute cette angoisse par le langage corporel et le ton de la voix. On croit qu’on n’est pas assez bon, pas assez compétent, et qu’on ne pourra se vendre qu’au prix d’un effort de manipulation. Le mot « vendre » est lui-même connoté négativement.
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Un début d’antidote
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La bonne nouvelle, c’est qu’on n’a pas besoin de s’allonger sur le divan pour se débarrasser des effets pervers de ce driver. L’autre bonne nouvelle, c’est que l’antidote est plutôt agréable à avaler : il s’agit dans un premier temps de se faire plaisir à soi. S’offrir du temps, une occasion de se relaxer, de méditer, de pratiquer un sport ou un art que l’on aime, bref, accepter de prendre soin de soi. Toutes les idées sont les bienvenues, à partir du moment où il s’agit, pour une fois, de faire passer ses propres besoins en premier, dans un cadre défini à l’avance et sans que cela implique de nier les besoins des autres.
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Alors certes, cela ne se fera pas d’un claquement de doigts. C’est un processus qui peut durer quelques semaines, voire quelques mois. L’idéal (bien sûr) serait d’être accompagné dans ce chemin par un spécialiste qui vous aiderait à prendre du recul et à transformer votre quotidien. Mais coach ou pas, le jeu en vaut la chandelle. Parce qu’une fois débarrassé de ce sentiment d’imposture, on est alors capable de trouver les mots et l’attitude juste pour parler de soi, et conquérir de nouveaux clients sans passer pour un mercenaire. Et en fin de compte, on finira même par comprendre qu’on le vaut bien !